La soumise
Elodie
était blottie au creux du siège de la Scénic, cherchant dans la chaleur qui
s'en dégageait un illusoire réconfort. Le visage tourné vers la portière, elle
laissait son regard se perdre dans le paysage environnant qui défilait sous le
froid soleil hivernal. Depuis un moment, la voiture avait quitté
l'environnement rassurant de la ville, et roulait maintenant en rase campagne
en direction d'elle ne savait où...
A coté
d'elle, Marc conduisait d'une main sûre tout en lui donnant, d'une voix qui se
voulait rassurante, ses dernières instructions.
- Tu
n'as rien à craindre. A aucun moment, je ne serai loin de toi. Mais n'oublie
pas que j'exige de toi une stricte obéissance à tout ce qu'on t'ordonnera et
cela qui que ce soit qui te l'ordonne. Moi ou…. n'importe qui d'autre. Tu
as bien compris! Bien sûr, tu sais que, si tu le veux, tu peux tout arrêter… à
n'importe quel moment, tu n'as qu'un mot à dire… mais, continua-t-il d'une voix
aux inflexions soudain plus autoritaires, j'espère, que tu ne le feras pas… ça
me décevrait tellement…
Elle
opinait lentement de la tête, sans souffler un mot, à ce monologue qui
n'attendait de toute façon aucune réponse mais qui, loin de la réconforter, au
contraire accroissait son appréhension. Elle était à cran, prête à fondre en
larmes, le cœur étreint dans un étau d'acier qui rendait chaque respiration
plus difficile. D'un mouvement malhabile, elle resserra frileusement autour
d'elle les pans de son manteau qui avaient glissé découvrant la nudité de ses
jambes. Marc sentit son désarroi grandissant et continua d'une voix plus douce
s'efforçant de faire retomber un tant soit peu sa tension:
- Ne
t'inquiète pas, ma douce, tu n'auras pas froid. J'ai prévenu que tu étais très
frileuse et j'ai demandé à ce qu'on pousse le chauffage… Tu vois comme je
prends soin de toi et de ton confort.
Elodie
jeta un bref coup d'œil à Marc dont elle aurait tellement voulu partager la
décontraction. Mais elle ne pouvait empêcher des questions sans réponse de
tourbillonner dans sa tête. Allait-elle être capable de satisfaire les
exigences de son Maître? Allait-elle être capable de surmonter ses propres
répugnances? De laisser d'autres mains que celles de Marc la toucher, la
palper, s'immiscer dans son intimité? D'autres yeux que les siens l'observer
dans ces attitudes d'une indécence totale que Marc affectionnait de lui faire
prendre et dont la seule évocation la fit tressaillir de honte? Elle en était
de moins en moins sûre. A l'abri de leur appartement, cela lui avait semblé
bien sûr difficile mais pas insurmontable. Et puis, il fallait bien en
convenir, Marc avait l'art et la manière d'être convaincant, de trouver les
mots qui chaque fois la faisait fléchir devant lui et à accepter même
l'inacceptable. Mais là soudain, elle se sentait faiblir. Comme un cheval
soudain rétif qui regimbe devant l'obstacle.
Marc
avait en fait été très succinct sur ce qu'il attendait d'elle. Tout ce qu'il
avait consenti à lui révéler après l'avoir emmené à accepter cette situation,
était qu'ils avaient rendez-vous avec deux hommes et une femme. La femme était
comme elle une soumise, les deux hommes dont l'un était son époux légitime, ses
maîtres. Quels étaient leur prénom? Comment Marc les avait-il rencontrés? Que
s'étaient-ils dits? Qu'avaient-ils convenus entre eux? Elle n'en savait rien
mais, connaissant Marc, elle était sûre qu'il s'était employé, ainsi qu'il en
avait l'habitude, à ne rien laisser au hasard et à planifier, avec un
soin quasi maniaque, le maximum de choses.
Marc lui avait intimé l'ordre d'appeler les hommes "monsieur" et de se contenter d'obéir à tout ce que lui et eux jugeraient bon de lui imposer. Pour la femme quand il parlait d'elle il disait simplement "la pute" ou "la salope" sans jamais la nommer autrement. A elle aussi elle devrait obéir si on le lui ordonnait. Elodie se demandait de quel vocable elle avait été, elle, qualifiée.
Photo: Robert Palka