Les yeux bandés
Le cœur battant la chamade, Lisa se glissa comme venait de
le lui demander son maître à l'arrière du véhicule et recouvrit soigneusement,
un peu fébrile, ses yeux d'un loup en velours noir. Puis, elle se rencogna
silencieuse au fond de son siège refoulant les questions qui se pressaient au
bord de ses lèvres. Elle se sentait oppressée comme si un poids pesait
lourdement sur sa poitrine l'empêchant de respirer à fond. Elle n'avait
néanmoins pas de réelles craintes. Juste une légère appréhension mitigée d'impatience
à l'idée de cette soirée spéciale que lui avait concoctée Christian qui lui en
avait soigneusement tu les détails. De toute façon quand elle était avec son
Maître, Lisa n'avait jamais peur. Elle avait en lui une confiance absolue et
sans condition qui lui permettait de le suivre où qu'il veuille l'emmener.
" Tout ce que tu auras à faire est de te laisser guider et d'exécuter tout
ce qu'on te demandera" lui avait-il dit avant d'ajouter avec un sourire
malicieux "… de toute façon ce sera des choses que tu adores faire… ou
qu'on te fasse ma petite chienne en chaleur qui aime se faire mettre dans
toutes les situations". Il n'avait tort, bien sûr.
Mais ce soir était une première. Et Lisa ne savait pas
vraiment comment elle allait réagir. Aussi, quand son maître lui avait proposé
cette soirée, Lisa lui avait-elle néanmoins objecté un refus de principe, ne voulant pas, de peur de le décevoir,
lui céder trop vite. Elle savait qu'il aimait qu'elle lui oppose une certaine
résistance, ne serait-ce que pour faire valoir ses prérogatives de maître tout
puissant qui pouvait la faire plier devant sa volonté. Un jeu entre eux, auquel
aucun des deux n'étaient dupe mais auquel ils attachaient trop de prix pour ne
pas s'y soumettre. Lui, le maître, à qui elle, la soumise, ne pouvait qu'obéir
quoiqu'il lui en coûte. Mais sa curiosité et son goût de l'aventure étaient
trop présents en elle et trop aigus pour q'elle puisse réellement refuser de se
soumettre à cette nouvelle expérience. Toutefois, là maintenant, assise dans la
voiture à attendre elle ne savait trop quoi, Lisa sentait son assurance fondre
et se demandait ce que l'imagination fertile de son maître avait pu lui
concocter.
Les minutes s'égrenaient silencieuses. Christian avait
allumé une cigarette oubliant, à dessein d'en proposer une à Lisa qui était
comme lui une fumeuse invétérée. Un petit supplice supplémentaire qu'il lui
imposait. Il était persuadé qu'elle en mourrait d'envie. Mais oserait-elle en
faire la demande? Il était prêt à parier que non. Quand tout à l'heure, elle
était sorti du véhicule pour s'installer à l'arrière, juste avant de descendre
elle lui avait un coup d'œil rapide certes mais il avait pu voir néanmoins son
regard se troubler, devenir plus opaque et ses pupilles se dilater ainsi que
c'était chaque fois le cas quand la Lisa sociale et sûre d'elle laissait la
place à l'autre qu'il aimait tant, la chienne, la salope, la soumise. Celle qui
aimait se soumettre et jouer à ces jeux dans lequel il l'entraînait, y prenant
un plaisir sans cesse renouvelé. Celle qui perdait toute volonté et lui donnait
toute liberté d'user d'elle comme il l'entendait.
Dans le rétroviseur, il regarda Lisa lovée dans son siège
son manteau frileusement resserrée autour d'elle. C'est vrai que dessous, comme
cela était habituellement le cas quand ils partaient ainsi en expédition
libertine, elle ne portait pas grand-chose. Une simple guêpière qu'il avait
voulu rouge ce soir, en voile transparent et qui laissait libre ses seins
assortie de bas en résille, rouge également, retenus par des jarretelles. Le
rouge lui allait si bien mettant en valeur sa longue chevelure brune qu'il lui
avait demandé d'attacher en un chignon flou.
L'attente semblait interminable à Lisa. Qu'attendaient-ils donc là dans cette voiture au milieu de la nuit? Elle n'en pouvait plus. Peu à eu, elle sentait l'appréhension qui tout à l'heure était tenue, s'accroître au fil des minutes. L'esprit enfiévré, elle imaginait toute sorte de scénarios plus rocambolesques les uns que les autres. Peut-être son maître attendait-il que la rue soit plus calme pour arrêter un passant en maraude et lui offrir Lisa en pâture? Ou bien, il allait lui demander de sortir de la voiture et d'aller, elle, aborder un inconnu et s'offrir à lui? Contre de l'argent? Jouer à la pute? Ils avaient si souvent ruminé ce fantasme. Peut-être celui-ci allait-il prendre vie ce soir. Lisa en frémit. Imaginer une chose et la faire, il y a un monde entre. Soudain, elle s'affolait. Non, Christian ne l'obligerait jamais à cela. Il tenait trop à elle et à l'exclusivité qu'il avait sur son corps. Oui, mais si c'est lui qui l'exigeait, pourrait-elle refuser? Le décevoir? Et puis, il fallait bien l'admettre, se donner devant les yeux de son maître à un inconnu l'excitait. C'était indéniable. L'humidité qu'elle sentait sourdre au creux de son corps alors que s'agitait en elle ces images, ne laissait aucun doute à ce sujet. Elle sursauta violemment quand elle entendit la portière avant de la voiture s'ouvrir...............